Prévue par le Gouvernement à travers une ordonnance publiée le 3 mai 2020, une aide sensée couvrir les charges des kinésithérapeutes est mise en place après concertation avec l’ensemble des professions de santé conventionnées.

L’aide se base sur 3 valeurs :

  • SNIR2019 : la quantité annuelle d’actes remboursables au cours de l’année 2019
  • Tcharges : un taux de charges moyen retenu pour la profession, qui revêt 3 valeurs différentes suivant la baisse d’activité :

Activité de la période concernée par l’aide par rapport à l’activité de référence

Tcharges
De 60 % à 100 % 44,5 %
De 30 % à 60 % 40,8 %
Moins de 30 % 39 %
  • SNIRpériode : le montant des honoraires des actes pratiqués au cours de la période de demande d’aide (qu’ils aient été facturés ou non)

L’aide de l’UNCAM est calculée ainsi :L’aide est donc linéaire ; ainsi, dans l’exemple ci-dessous, les kinésithérapeutes qui ont cessé totalement d’exercer entre le 16 mars et le 30 avril 2020, pourront bénéficier d’une aide en fonction de leur SNIR 2019 égale à :Les professionnels reprennent une activité en cabinet à compter du 11 mai. S’ils ont tablé sur 15 jours d’exercice en mai avec 15 patients par jour, l’aide qui pourrait être accordée s’étalera entre 0 et 3.082 € suivant la situation de chacun :

L’aide ainsi construite est scandaleuse à plusieurs titres :

  • L’aide fait une apologie de la prise en charge de groupe : plus le kinésithérapeute réalisait d’actes en 2019, plus l’Assurance Maladie injectera de fonds. Il convient pourtant de rappeler que la NGAP conditionne le remboursement des actes à des prises en charge individuelles de l’ordre d’une demi-heure. Si la notion de temps a toujours été controversée, il demeure surprenant voire scandaleux que l’Assurance Maladie mette en place un système qui bénéficie prioritairement, en volume, à ceux qu’elle montrait du doigt hier.
  • L’aide mise en place ne tient aucunement compte du taux de charges réel des professionnels :
    • le kinésithérapeute conventionné n’effectuant que des actes à domicile et ne payant aucun loyer professionnel, bénéficie du même taux de charges ;
    • le kinésithérapeute assistant ou collaborateur libéral n’a aucune charge relative aux locaux (loyers, assurances, entretiens), ni d’amortissements pour matériels ou encore d’installation, d’impôts fonciers et bénéficie d’un minimum forfaitaire de la CFE. Ses seules charges, exceptées les charges sociales qui sont directement liées au bénéfice, sont les rétrocessions qui sont calculées sur le volume d’actes effectués ou facturés. Ainsi, l’assistant ou collaborateur libéral n’a aucune rétrocession à payer en avril s’il n’a pas été en mesure d’exercer et, s’il a poursuivi, cette rétrocession demeure proportionnelle à son activité réelle. Le dispositif d’aide de l’Assurance Maladie va donc octroyer une aide à des professionnels dont les charges sont presque totalement indexées sur leur volume d’activité.
  • Le taux de charges utilisé est celui de l’administration fiscale pour la France entière. Or, tout le monde sait qu’une moyenne ne peut correspondre à aucune situation concrète : un étudiant peut avoir 10 de moyenne à ses cours de statistique – ce qui est correct – alors même qu’il a eu 20 à son oral et zéro à son écrit !
    Les loyers professionnels n’échappent pas à une grande disparité : très faibles en milieu rural où le plateau technique sera peu limité, ils sont exorbitants au sein des métropoles pour des surfaces disponibles souvent réduites à 20 m². Rappelons que la moyenne locative en métropole est de 12,8 € /m², 19,4 € /m² en Île-de-France et 25,6 € /m² à Paris (données 2018).
  • L’aide mise en place n’apporte aucune solution aux kinésithérapeutes remplaçants exclusifs alors même que la quasi-totalité de ces professionnels contribuent à la continuité de l’offre de soins dans le cadre conventionnel puisque, s’il ne sont pas conventionnés, ils sont placés dans la situation conventionnelle du remplacé.

Ce système d’aide de l’Assurance Maladie, mis en place à la va-vite, est proprement scandaleux. Le Directeur de l’Assurance Maladie doit rapidement comprendre que, si son intention de préserver l’offre de soins de ville dans les mois et années à venir est soutenue par toutes les professions de santé, le système mis en place pour y parvenir doit urgemment être révisé afin de se baser sur les charges réelles de chaque praticien en plus de se baser sur leur activité réelle.