Alors que certains voient à travers les protocoles de coopération sanitaire une formidable occasion de développer la profession, d’autres, peut-être plus lucides, y voient depuis les prémices, une sorte de bombe à retardement. L’espérance des premiers trouve son égal parmi toutes les autres professions de santé. Or, la kinésithérapie n’est pas la profession qui, par nature et par son expérience, a été la plus douée à se protéger. Ces protocoles de coopération ont surtout et avant tout pour conséquence l’anéantissement des professions de santé réglementées.

Preuve en est l’ensemble des projets suivants :

  • pose et surveillance d’une oxygénothérapie, administration en aérosols et pulvérisations de produits non médicamenteux et éventuellement médicamenteux par un aide-soignant en lieu et place d’un infirmier ;
  • prescription d’aides techniques aux personnes âgées ou en situation de handicap par des ergothérapeutes ;
  • réalisation d’immobilisations plâtrées simples et d’attelles par un infirmier au sein des services d’urgence ;
  • prise en charge initiale d’une douleur lombaire aiguë isolée chez un patient âgé de 16 à 50 ans par un infirmier au sein des services d’urgence ;
  • prise en charge initiale d’un traumatisme de cheville sans plaie évoquant une entorse chez un patient âgé de 10 à 50 ans par un infirmier au sein d’un service d’urgence.

A titre d’illustration, les infirmiers bénéficient déjà de protocoles tels que la prescription, la réalisation et l’interprétation de la spirométrie pour les patients tabagiques… ce qui est très large !

Ce système de protocole conduit à renforcer la nature bicéphale des professions de santé : le prescripteur / le  prescrit, le médecin / l’auxiliaire, le déléguant / le délégué. Au final, peu importe les compétences des professions de santé. Seuls comptent les acteurs à qui l’on délègue un acte, accompagné d’un cahier des charges d’exécution ; on choisira de préférence ceux qui se contentent des plus basses rémunérations, ceux qui sont les plus contrôlables, bénéficiant de formations aussi courtes que la seule exécution de l’acte délégué nécessite. Les compétences respectives de chacune des professions de santé sont ainsi supprimées. Place aux officiers de santé des temps modernes : ces agents sont de préférence salariés ; et s’ils sont libéraux, c’est avec les mêmes contraintes mais sans les avantages du droit du travail.