Publié dans Kiné Flash Paris n° 45 – mars 2014

Depuis le 11 février 2005, tous les locaux des professionnels de santé sont soumis aux obligations décrites dans la Loi n°2005-102 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Ces différents aménagements devront être prêts au 1er janvier 2015. La réalité de terrain et sa faisabilité ne doivent pas compromettre l’action reconnue des kinésithérapeutes parisiens.

Quel est le public concerné ?

Les 2.782 masseurs kinésithérapeutes parisiens officient, dans une très grande majorité des cas, dans des locaux professionnels situés dans des immeubles. La spécificité parisienne de ces cabinets, souvent en étage, font que de lourds travaux d’aménagement devraient être engagés pour ne pas se mettre hors la loi. Les loyers réclamés sont les plus élevés de France.

Si nous nous rapprochons du cahier des charges édité par la Délégation ministérielle à l’accessibilité dans son fascicule : «Les locaux des professionnels de santé : réussir l’accessibilité», la description des différents aménagements pour des locaux anciens semble pharaonique.

Alors comment concilier nouvel aménagement, fermeture partielle, totale et provisoire du cabinet pour faire les travaux, tout en continuant une activité de haute qualité ?

Pour mémoire, nous ne devons pas oublier que des sanctions sont possibles à la hauteur de 45.000 euros, si un patient porte plainte pour non prise en charge par manque d’accessibilité. Même si cette démarche peut être envisagée, la procédure qui en découle sera longue. Nous nous sommes engagés à soigner toutes les personnes qui nous sollicitent, mais nous pouvons réorienter ces dernières si nous ne sommes pas à la hauteur des soins attendus par ce patient. Notre clientèle est le reflet de nos appétences à telle ou telle spécificité, et régulièrement nous les réorientons vers un collègue dont le domaine de compétence correspond plus à l’attente du patient.

Être à la hauteur c’est aussi lui proposer un local adapté ? À chacun de se positionner.

Nous sommes tous des professionnels responsables, nous pouvons et devons assumer ce choix de réorientation dans le dialogue et l’explication que nous pouvons apporter au patient.
L’aménagement doit-il n’être réservé qu’aux futures nouvelles installations ? Nous retrouvons bien là le fond du problème Parisien : les nouvelles normes sont réalisables sur du foncier neuf et non sur de la création dans un immeuble déjà existant. Les lourdes contraintes d’une « réhabilitation » intérieure et extérieure sont bien un frein au retard pris par certains, mais ne doivent pas être condamnables, et chaque cas devrait bénéficier de dérogation.

Pour quel public doit-on se conformer à la loi ?

La France compte près de 9,6 millions de personnes en situation de handicap déclarée. Mais combien de ces personnes touchent directement nos cabinets ? Nous pouvons élargir cette clientèle aux personnes touchées par un handicap transitoire (fracture, entorse, soin post-opératoire, personnes âgées, etc.…). Nous pouvons, à la lecture de notre SNIR (le reflet de nos diverses interventions thérapeutiques ?!!) retrouver un classement par âge et par type de soin, et nous pouvons donc dégager un profil type de notre patientèle, qui souffre de maux et se retrouve forcement en situation de handicap. Mais devons-nous réaménager nos structures pour être conformes à la loi ? Nous pouvons toujours apporter des modifications, mais les contraintes des travaux (autres que financière) doivent être acceptées par la copropriété de l’immeuble, et bien plus largement cette accessibilité doit se retrouver aux abords de nos cabinets.

Mais où en est la réalité ? Dans un communiqué de presse du 8 janvier 2014, l’APF (Association des paralysés de France) pointe du doigt l’État qui se trouve en position de hors la loi au regard de cette loi. Pourquoi obliger des professionnels responsables à se conformer à la loi alors que l’État lui-même semble ne pas jouer le jeu.

Nous faisons tous des efforts, à notre hauteur (financière), mais nous ne pouvons pas mettre en péril notre activité et laisser sur le trottoir nos patients.

Cette accessibilité tournée vers nos cabinets de ville est bien un problème sans fin : comment concilier l’obligation de la loi et la réalité. Le récent article du Parisien du 9 février 2014, nous informe que c’est bien l’ensemble des professionnels de santé qui sont confrontés à ce problème. La non possibilité de choix du patient pour trouver un professionnel reste le problème majeur. C’est bien pour nos patients que nous travaillons.

Nous pouvons déplorer la non cohérence de l’État par :
• l’État qui impose mais n’applique pas la loi à ses différents établissements publics ;
• l’État et la commune parisienne qui n’arrivent pas à proposer des voies de circulation et des
transports adaptés ;
• l’État et la commune parisienne qui n’écoutent pas les différents professionnels du monde de la
santé ;
• l’État et la commune parisienne qui n’écoutent pas les doléances des patients.

Nous ne pouvons que vous conseiller de regarder la faisabilité de votre conformité à la loi et de l’intégrer dans une démarche plus globale élargie aux alentours de votre lieu d’exercice.

Cet enjeu est bien comme la loi : l’accessibilité n’est qu’un doux rêve pour un grand nombre d’entre nous, mais nous sommes tous prêts à relever le défi.

Comme moi, vous êtes #KinésParisiens

Patrick SALAÜN