L’épidémie de bronchiolite qui a démarré plus tôt cette année a réanimé chez les professionnels de santé – médecins généralistes, pédiatres, kinésithérapeutes – comme chez les usagers du système de santé, les interrogations autour des recommandations de bonne pratique.

Alors que des recommandations de la Haute autorité de santé peuvent venir bousculer les usages, force est de constater que celles-ci semblent être utilisées par certains, des professionnels comme des administrations publiques, à d’autres fins que leurs portées réelles.

Pourtant, ce n’est pas faute de disposer d’une jurisprudence relativement claire et affirmée sur la portée de ces recommandations. Si tout le monde parle de ces dernières avec une assurance déconcertante ou avec émoi, c’est bien souvent en attribuant des qualités inexistantes à celles-ci.

Un arrêt du Conseil d’Etat du 23 décembre 2020[1] rappelle la portée de ces recommandations. Les recommandations de bonnes pratiques élaborées par la HAS ont pour objet de guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en œuvre des stratégies de soins à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique les plus appropriées, sur la base des connaissances médicales avérées à la date de leur édiction. Elles participent, à ce titre, à la réunion et à la mise à disposition de ces praticiens des données acquises de la science, y compris au niveau international, sur lesquelles doivent être fondés les soins qu’ils assurent aux patients, conformément à l’obligation déontologique qui leur incombe.

La haute juridiction ne s’arrête pas là puisqu’elle vient préciser que les recommandations ne dispensent pas le professionnel de santé d’entretenir et perfectionner ses connaissances par d’autres moyens et de rechercher, pour chaque patient, la prise en charge qui lui paraît la plus appropriée, en fonction de ses propres constatations et des préférences du patient.

En outre, il appartient à la HAS de veiller à l’actualisation des recommandations qu’elle a élaborées, en engageant les travaux nécessaires à leur réexamen au vu notamment des données nouvelles publiées dans la littérature scientifique et des évolutions intervenues dans les pratiques professionnelles, lorsque celles-ci doivent conduire à modifier les indications données aux professionnels pour les guider dans le choix des stratégies de soins à retenir.

Ces deux principes rappelés par le Conseil d’Etat tirent les conséquences que ces recommandations, ayant exclusivement vocation à guider les professionnels, ne doivent pas faire obstacle, une fois publiées, à la prise en compte, notamment, de nouvelles données scientifiques ou encore de la situation singulière de chaque patient.

D’ailleurs, la juridiction administrative a rappelé que la HAS elle-même devait veiller à cette évolution des données de la science. En effet, si l’obsolescence d’une recommandation peut être source d’erreurs pour les professionnels auxquels elle s’adresse, il incombe à la HAS, selon les cas, d’accompagner sa publication des avertissements appropriés voire de les abroger en en tirant les conséquences pertinentes quant à la publicité qui leur est donnée. En outre, dans l’hypothèse où une recommandation de bonne pratique comporterait, sur un point précis, une recommandation manifestement erronée au regard des données acquises de la science, il lui incombe, alors même que l’engagement de travaux de refonte de l’ensemble de la recommandation ne serait pas justifié, d’en tirer les conséquences, à tout le moins en accompagnant sa publication d’un avertissement sur ce point.

 

[1] Conseil d’Etat, Association Autisme Espoir vers l’école, req n° 428284, 23 déc. 2020