Monsieur le Ministre de la santé et de la prévention,
Madame la Ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé auprès du ministre de la Santé et de la Prévention,
Madame la Directrice générale de l’Agence régionale de santé d’Île-de-France,

Vous vous retrouvez confrontés à l’épidémie hivernale de bronchiolite, laquelle n’est pour l’heure ni plus importante ni prématurée par rapport à nombre d’épidémies antérieures.

Permettez-nous de vous rappeler l’histoire. En 1993 et 1994, l’épidémie de bronchiolite qui a touché la France a eu les mêmes conséquences désastreuses sur le système de santé qu’actuellement. Des enfants héliportés dans des hôpitaux de province, en rupture de leur lien parental, des urgences saturées.

Ensuite les kinésithérapeutes se sont organisés pour prendre à bras le corps cette problématique. Des formations ont eu lieu, le nombre de professionnels avec la compétence pour soigner ces enfants a considérablement augmenté. Les réseaux de soins et pour ne parler que de l’Île-de-France, l’association des réseaux bronchiolite (ARB) en association avec SOS médecins ont géré les épidémies successives en apportant une réponse ambulatoire permettant de flécher l’accès aux urgences exclusivement aux nourrissons les plus jeunes et nécessitant une prise en charge hospitalière.

Ces systèmes d’offre de soins et de coordination médico-kinésithérapique, associant libéraux et hospitaliers, ont permis d’éviter que la situation de 1994 se renouvelle.

Enfin, à force de conduire des évaluations portant sur la seule prise en charge de nourrissons relevant des hospitalisations à l’occasion de syndromes respiratoires obstructifs, les politiques de santé ont généralisé la prise en charge de la bronchiolite au seul recours aux urgences. A tel point que les parents ne se retournent plus vers leur généraliste ou leur pédiatre et que ces derniers n’orientent plus l’essentiel des petits malades vers un suivi kinésithérapique qui jusqu’alors assurait une surveillance continue, des soins de désencombrement et un volet d’éducation à la santé dont sont fortement demandeurs les jeunes parents.

Vous avez dans une récente intervention indiqué que vous recrutiez des professionnels de santé « si vous en trouviez » pour prendre en charge ces enfants. Sachez, Monsieur le ministre, que les kinésithérapeutes sont toujours présents, formés et peuvent déjà soulager les services hospitaliers des enfants qui n’ont pas de situation médicale justifiant un examen et une prise en charge au sein des urgences et services pédiatriques. Les réseaux de soins sont toujours en place, bénéficiant toujours d’un financement public. Il suffit donc que de recourir à eux, non pour se substituer aux urgences mais pour qu’un nourrisson n’en relevant pas ne les encombre pas et bénéficie d’un suivi pendant toute la durée de son affection.

En conséquence et sans négliger les renforts nécessaires aux services pédiatriques, nous vous prions de réorienter les messages de santé publique sur les modalités de prise en charge de ces nourrissons, d’appeler les parents à solliciter en priorité les consultations médicales de ville et d’encourager les médecins à faire confiance au suivi assuré par les kinésithérapeutes en revalorisant la prescription de kinésithérapie dans ce domaine.

Dans un second temps, nous ne pouvons que vous suggérer d’accélérer les travaux permettant d’expérimenter une coopération sanitaire dans ce domaine, laquelle permettrait aux kinésithérapeutes d’évaluer et surveiller ces nourrissons, en coordination avec un médecin généraliste ou un pédiatre et d’assurer ce rôle de sentinelle que jamais l’hôpital se sera en mesure d’assurer.

Il n’est ni trop tard ni trop ambitieux de réorienter notre manière de prendre en charge ces petits patients. Nous nous tenons à votre disposition, forts de l’expérience vécue depuis plus de 20 ans en Île-de-France.

Vous souhaitant bonne réception de la présente, nous vous prions de croire, Monsieur le ministre, Madame la Ministre déléguée, Madame la directrice générale, en nos respectueuses salutations.