À l’heure où tous les constats sur le système de santé français sont alarmants, quelles peuvent bien être les raisons de sa dégradation ?

Pas assez de soignants pour maintenir suffisamment de lits dans les hôpitaux, difficultés croissantes pour les patients de se faire soigner en ville, mais pourquoi donc ?

Notre système est tout simplement victime de la sacro-sainte idéologie d’une santé gratuite pour tous les citoyens – et même plus…

La santé a un coût et il faut soit se donner les moyens pour préserver cette gratuité, soit admettre de dispenser la collectivité d’une partie de ce coût.

Les gouvernements successifs et leurs administrations ne considèrent – et n’agissent – qu’en vertu de l’aspect comptable afin de le maîtriser. Comment ? Tout simplement en limitant l’évolution des dépenses de santé depuis de nombreuses années. Or la population augmente, vieillit, souffre de plus de maladies chroniques, et la demande de soins avec toujours plus de technicité ne peut qu’augmenter, face à un « panier » que l’on s’obstine à contenir.

Cette limitation a abouti à la paupérisation globale et à la démotivation de l’ensemble du système de santé, particulièrement des professionnels qui le font vivre.

Cette paupérisation a pour effet premier de détourner de plus en plus de professionnels de santé de leurs métiers : on invoque régulièrement les erreurs des différents numerus clausus, cependant l’exemple des médecins est tristement évocateur. Entre 25 et 30% des médecins diplômés chaque année n’exercent pas la médecine : environ 2.500 médecins (déjà formés !) qui constituent un vivier potentiel pour améliorer l’offre de soins, pour peu qu’on leur redonne une meilleure attractivité. Mais on semble préférer inciter les retraités à travailler plus longtemps.
Le recours annuel aux quelques 1.200 à 1.500 diplômés étrangers permet de limiter la diminution du nombre de médecins en France, mais est-ce suffisant ? Non ! Est-ce satisfaisant ? Non !

Que ce soit en exercice salarié ou en activité libérale, les revenus des professionnels de santé ne cessent de prendre du retard par rapport au coût de la vie et sont devenus indécents au regard de leur niveau de formation (de bac + 5 à bac +10 ou plus), de leurs responsabilités, et du service rendu à la Nation. Et tous souhaitent retrouver du sens à leur action et du temps médical ; ce sont des soignants, pas des administratifs.

Pour autre exemple, celui de la kinésithérapie que je connais bien pour l’exercer depuis 42 ans : formation bac +5, salaire moyen à l’embauche 2.238 euros, salaire médian 2.715 euros (soit 17,90 euros l’heure), revenu conventionnel moyen à l’acte 18,33 euros l’heure qui diminue d’année en année par absence de réévaluation des tarifs et un taux de charges croissant.

La seule solution, qu’il faut avoir le courage de prendre, est de redonner de l’attractivité par la reconnaissance du service rendu et en premier lieu une rémunération adaptée. Quoi qu’il en coûte… Ou pas, c’est un choix de société.

 

Philippe COCHARD

Président d’honneur de la FFMKR-75